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La semaine du droit fiscal

Civil - Fiscalité des particuliers
12/04/2021
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit fiscal, la semaine du 5 avril 2021.
Fraude fiscale – appréhension des sommes
« Le 5 juin 2008, M. Y... et son épouse, Mme X..., fondateurs de la société Laboratoire Puressentiel, initialement dénommée Aroma Thera, ont cédé à la société de droit anglais Sisig LTD (société Sisig) les droits d’exploitation des marques et brevets de la gamme Puressentiel qui étaient jusqu’ici exploités par la société Aroma Thera.
Le 6 juin 2008, la société Sisig a concédé à la société Aroma Thera dont Mme X... était le président et administrateur, un contrat de licence exclusive d’exploitation des marques et brevets précédemment cédés.
Le 30 octobre 2013, la Direction générale des finances publiques a adressé aux époux Y... une proposition de rectification suite à un examen de situation personnelle, considérant que Mme X... était la véritable gestionnaire et l’exploitante des marques et brevets cédés à la société Sisig et que les redevances versées à la société Sisig rémunéraient en réalité les prestations réalisées par Mme X..., qui devait être imposée à ce titre en application de l’article 155 A du code général des impôts.
Le 13 novembre 2014, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, l’administration fiscale a déposé plainte contre Mme X... et son époux, qui ont été cités à comparaître devant le tribunal correctionnel pour s’être frauduleusement soustraits à l’établissement et au paiement de l’impôt sur le revenu dû au titre des années 2009, 2010 et 2011, en s’abstenant de souscrire dans les délais requis des déclarations des bénéfices non commerciaux, en l’espèce en ne déclarant pas les redevances versées par la société Aroma Thera à la société Sisig, entité contrôlée de fait par Mme X....
Les premiers juges ayant relaxé les prévenus, le procureur de la République et l’administration fiscale ont formé appel de cette décision.
 
Aux termes de l’article 155 A, I, du Code général des impôts, les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières notamment lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ou lorsqu’elles n’établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services.
Pour dire établi le délit de fraude fiscale, l’arrêt attaqué relève que la cession des marques et brevets à la société Sisig par les prévenus, à un prix très faible, ne se justifiait pas, ladite société ne disposant pas d’une compétence en la matière, notamment supérieure à celle que détenaient les époux Y..., ce d’autant plus que ces derniers ont retrouvé dès le lendemain le bénéfice de leur exploitation via la société Aroma Thera.
Il retient que Mme X..., dont l’intervention a dépassé le cadre de la simple assistance prévue par le contrat de cession, qui dictait la conduite à tenir pour le dépôt et la protection des marques, pour les formalités administratives à accomplir, et soumettait à son autorisation le paiement des factures que la société Sisig devait régler, s’est comportée comme la véritable gestionnaire de la société Sisig à laquelle la société Aroma Thera versait les redevances dues en contrepartie de l’exploitation des marques et brevets cédés.
Les juges indiquent que la société Sisig présente tous les caractères d’une coquille vide et qu’aucun élément ne démontre qu’elle exerçait de manière prépondérante, au sens de l’article 155 A précité du Code général des impôts, une activité industrielle ou commerciale autre que la prétendue prestation de services rémunérée par les redevances litigieuses.
La cour d’appel ajoute que les infractions reprochées ne nécessitent pas d’établir que Mme X... et M. Y... ont directement appréhendé les fonds litigieux, leur perception pouvant être dissimulée par des structures écrans.
En prononçant ainsi, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.
En effet, en premier lieu, la possibilité prévue par l’article 155 A du Code général des impôts d’imposer, entre les mains d’une personne qui rend des services, la rémunération correspondant à ces services, lorsqu’elles sont perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France, n’est pas subordonnée, dans l’hypothèse où la personne qui rend les services est domiciliée ou établie en France, à la condition que ces services aient été rendus en France.
Dès lors, la demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que la cour d’appel n’a pas répondu au moyen régulièrement soulevé devant elle tiré de ce que les prestations correspondant à la rémunération versée à la société Sisig auraient été réalisées à l’étranger.
En second lieu, il résulte de l’article 155 A précité, qui tend à dissuader les contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu d’échapper à une telle imposition en faisant percevoir par une personne tierce, domiciliée ou établie à l’étranger, la rémunération des services rendus par ces contribuables, que le contribuable domicilié en France, auteur de la prestation de services, est réputé avoir réalisé lui-même les bénéfices ou revenus retirés de cette prestation par la personne chargée de les percevoir. Il appartient le cas échéant au contribuable d’apporter la preuve soit que tel n’a pas été le cas, soit que la rémunération litigieuse, qui lui a été reversée en tout ou partie par l’entité l’ayant perçue, a été imposée à un autre titre.
Dès lors, la caractérisation du délit de fraude fiscale résultant de l’omission de déclarer les rémunérations sujettes à l’impôt en application de ce texte n’implique pas qu’il soit démontré que le prévenu a effectivement appréhendé les sommes en causes.
Ainsi, le moyen doit être écarté ».
Cass. crim., 8 avr. 2021, n° 19-87.905, P+I *
 

*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 12 mai 2021
 
Source : Actualités du droit