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La clause d’exclusion de garantie, le défaut d’aléa et l’obligation de motivation des décisions de justice

Affaires - Assurance
Civil - Responsabilité
26/01/2022
Doit être censuré l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article 455 du Code de procédure civile qui ne s’est pas prononcé sur l’absence d’aléa dans une affaire relative à la clause du défaut d’entretien du bien assuré opposant l’assureur au syndicat de copropriété.
Faits et solution

En l’espèce, un appartement dans un immeuble en copropriété subit d’importants dégâts dus aux infiltrations d’eau le laissant dans un état insalubre. La propriétaire estime que la responsabilité du syndicat des copropriétaires est engagée au motif que les causes des désordres sont en provenance des parties communes et qu'en dépit des alertes, le syndicat des copropriétaires a refusé de procéder aux travaux de réparation du toit.

La propriétaire assigne le syndicat des copropriétaires ainsi que la société Axa France IARD, son assureur, afin d'obtenir la réparation des préjudices. 

La cour d’appel estime que la clause du contrat d'assurance, qui exclue la garantie de l'assureur en cas de défaut d'entretien ou de réparation caractérisé et connu de l'assuré, ne se référant pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées, n'est pas formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du Code des assurances, et ne peut recevoir application en raison de son imprécision. Or, la validité d'une clause d'exclusion n’a pas été invoquée par l’assureur : pour ce dernier, le sinistre s’était réalisé avant la souscription de la police d'assurance le 1er janvier 2008 de sorte que la société Axa ne devait plus sa garantie.

La Cour de cassation suit les arguments de l’assureur et casse l’arrêt au visa de l’article 455 du Code de procédure civile selon lequel « tout jugement doit être motivé » : « en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Axa qui invoquait également l'absence d'aléa lors de la souscription du contrat d'assurance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

Éléments d’analyse

Le contentieux de la validité des clauses d’exclusion visant le défaut d'entretien et de réparation d'un bien par l’assuré n’est pas nouveau et, le plus souvent, ne se solde pas en faveur de l’assureur devant la Haute juridiction. Cette dernière censure avec une régularité quasi-constante des arrêts d’appel qui valident de telles clauses, quel que soit la forme de leur rédaction. En témoigne notamment une solution récente rendue par la Deuxième chambre civile en date du 14 octobre 2021 pour laquelle « une telle clause [prévoyant que n’entre ni dans l’objet ni dans la nature du contrat l’assurance des dommages ou responsabilités ayant pour origine un défaut d’entretien ou de réparation, incombant à l’assuré et connu de lui], qui prive l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque, constitue une clause d’exclusion de garantie » (Cass. 2e civ., 14 oct. 2021, n° 20-14.094). Pour mémoire et en résumant, pour être valable, une clause d’exclusion doit être formelle et limitée et être mentionnée en caractères très apparents dans la police. Or, faute de pouvoir définir le défaut d’entretien de l’assuré et de circonscrire ainsi le champ de ces interventions, une clause d’exclusion pour le défaut d’entretien est elle-même défaillante dans le respect du critère limité imposé par l’article L. 113-1 du Code des assurances. La solution dégagée en l’espèce par la cour d’appel est une démonstration du raisonnement que la Haute juridiction prône depuis des années.

Ainsi, l’assureur n’a d’autre choix que d’invoquer l’absence d’aléa, inhérent au contrat d’assurance (Cass. 2e civ., 6 mai 2021, n° 19-25.395) : en d’autres termes, se défendre sur le fond  de l’absence d’une condition de validité du contrat. En l’espèce, il était possible d’avancer un tel moyen car « l'absence d'aléa ne peut être invoquée que lorsque le défaut d'entretien est antérieur à la conclusion du contrat », ce qui ressortait clairement des pièces produites par les parties (A. Astegiano - La Rizza, Bulletin Juridique des Assurances n° 78, comm. 7). Or, la cour d’appel n’a pas jugé utile de se prononcer sur le défaut d’aléa, ce qui a valu à l’arrêt d’être cassé au visa de l’article 455 du Code de procédure civile pour transmettre l’affaire à la Cour d’appel de Paris autrement composée ensuite.

Il n’est pas certain que cet argument prospérera devant la cour d’appel de renvoi. S’il est communément admis que l’assurance est nulle lorsqu’au moment du contrat le risque garanti a disparu (par sa réalisation), il n’est pas acquis qu’en matière du défaut d’entretien tel est forcément le cas : l’aléa demeure, certes imparfaitement, même si l’assuré a failli d’entretenir le bien assuré. D’ailleurs, dans quel état le bien de l’assuré doit se trouver afin qu’il puisse bénéficier de la couverture assurancielle ? La Chambre commerciale a pourtant pu décider « qu’en raison d'un sinistre survenu trois ans auparavant, M. Y... connaissait […] l'état de vétusté des planchers, lesquels nécessitaient une réfection qu'il n'avait pas effectuée » donnant ainsi raison à l’assureur qui avançait précisément l’absence d’aléa (Cass. com., 11 mai 2017, n° 15-29.065).
 
Source : Actualités du droit